dimanche 25 novembre 2012

Morsi et les racines de la dictature


Je me suis réveillé après une courte sieste jeudi après-midi à cause d'un appel téléphonique d'un de mes amis ; celui était paniqué et me demanda d'un ton précipité et tremblant : « As-tu vu les décisions de Morsi ? » J'ai couru à mon ordinateur et j'ai commencé à surfer sur Internet pour savoir ce que le président avait déclenché pendant que je dormais. 
J'ai découvert que le Président Morsi errait dans la vallée de la législation qu'il a faite pour lui-même et pendant qu'il était là, il venait de formuler de nouveaux décrets présidentiels sous la forme de déclarations constitutionnelles.
Après avoir rapidement jeté un oeil sur la déclaration, j'étais obligé d'en venir à la conclusion qu'elle n'était pas logique. Je pensai que cela était dû à mon sommeil interrompu et à mon manque de caféine. Deux tasses de café plus tard, j'ai lu attentivement la déclaration, et à ma grande surprise, elle ne m'apparaissait toujours pas logique !
Les décisions de Morsi n'étaient pas la seule surprise ; de fait, le moment où elles furent prises était déconcertant et les réactions qu'elles avaient créées à différents niveaux étaient également surprenantes. Le contenu même des décisions est beaucoup plus que catastrophique. Morsi s'est déclaré comme étant lui-même une autorité suprême, faisant disparaître les légères traces de responsabilité devant le public que le système politique égyptien avait.
La déclaration a réintroduit l'Égypte dans l'ère d'une puissance politique incontrôlée, mais cette fois-ci, dans un cadre constitutionnel. Une fois de plus, l'Égypte se retrouve dans une forme de démocratie conditionnée. Une démocratie qui pourrait être facilement écrasée et un système qui est conçu par le parti politique le plus fort au service de ses propres intérêts, voici ce que représentent réellement les décisions récentes de Morsi. Ce qui m'a frappé le plus, c'est la rationalisation du président de ses propres décisions.
Le président, son administration et de nombreux porte-parole et sympathisants des Frères Musulmans, les lobbyistes, les analystes et les hypocrites évidents abordent ce sujet de la mauvaise façon.
Le fondement de l'attitude pro-Morsi repose en grande partie sur la confiance que nous devons avoir envers le président et en son jugement et sa sagesse qui garantiront la bonne utilisation de son pouvoir nouveau qui n'est plus contrôlé. J'ai entendu beaucoup de « on doit lui donner sa chance », « il a besoin des pleins pouvoirs pour changer les choses », « il est le président démocratiquement élu », ainsi que « les Égyptiens ont besoin de faire confiance les uns les autres », et beaucoup d'autres déclarations du même genre.
Nous ne discutons pas de savoir si les Égyptiens font ou pas confiance à leur président ; ceci est un débat qui nécessite des chiffres, des enquêtes et des sondages. Par conséquent, je ne peux pas parler au nom de mes compatriotes Égyptiens, mais je peux parler en mon nom. Et quant à moi, je ne fais pas confiance au président, et pas seulement à Morsi. De fait, je ne fais confiance à aucun président. Je crois que les êtres humains sont facilement corrompus par le pouvoir et que les présidents sont toujours de bons candidats pour la corruption.
La question n'est pas de faire confiance ou pas à un président ; plutôt, il s'agit de savoir si nous faisons confiance ou non à un système. Morsi et ses partisans nous demandent de faire confiance à un président qui travaillera au sein d'un système d'autorité absolue. L'Égypte n'a pas besoin d'un homme de confiance ; il lui faut plutôt un système qui fera du président – peu importe qui il est – responsable devant le peuple ; c'est seulement après que nous pourrons faire confiance au président.
Je suis également intrigué par la logique du président. Morsi dit que, grâce à ces mesures exceptionnelles et non-constitutionnelles, il sera en mesure de répondre aux exigences de la révolution. Quelque chose dans cette logique ne tient pas debout. L'accession au pouvoir de Morsi a été facilitée surtout par l'assurance donnée par la révolution à la procédure légale. Si les différentes forces au sein de la révolution avaient eu recours à des mesures exceptionnelles et non-constitutionnelles, la série d'élections que les Frères Musulmans a remporté n'aurait pas eue lieu.
Chacun d'entre nous (y compris Morsi) est arrivé là où il se trouve aujourd'hui en raison d'un processus politique supervisé par les différentes branches au sein de l'État. Par conséquent, la légitimité de Morsi n'est pas une légitimité révolutionnaire ; il s'agit plutôt d'une légitimité institutionnelle qui provient d'élections supervisées par les institutions publiques.
Morsi et la Fraternité ont rejeté tous les appels en faveur des mesures exceptionnelles révolutionnaires au cours de la phase de transition ; pour quelle raison désirent-ils les ressusciter aujourd'hui, précisément lorsqu'ils détiennent le pouvoir? En outre, pour quelle raison devrions-nous faire confiance en quelqu'un qui a soudainement décidé d'opérer un changement de cap important sans raisons rationnelles ?
Le moment où cela arrive n'est pas moins étrange que ce qui arrive. Je crois que Morsi a considéré son rôle à Gaza comme une percée spectaculaire dans le rôle régional de l'Égypte et qu'il voulait que sa victoire dans les négociations puisse lui servir au niveau national. Le seul problème qu'il avait à l'intérieur de l'Égypte était les manifestations en cours dans la rue Mohamed Mahmoud.
Le président a pensé qu'il pourrait calmer le jeu en promettant un procès pour les personnes accusées d'avoir tué des manifestants à des manifestations dans cette rue à la même période l'an dernier. De cette façon, sa popularité aurait augmenté dans la rue et ce serait ajoutée à sa victoire diplomatique à Gaza. Toutefois, pour tenir ces procès, il a dû garantir des bénéfices pour lui-même et la Fraternité, dans l'espoir que l'un pourrait équilibrer l'autre. Mais cette vision étroite et à courte vue a ignoré deux questions.
Tout d'abord, les manifestations à propos des évènements de la rue Mohamed Mahmoud ne sont pas seulement à propos de procès ; ces manifestations cherchent l'effondrement d'une matrice entière inefficace et corrompue. Ensuite, les forces de l'opposition sont mieux organisées maintenant que ce qu'elles l'étaient il y a quatre mois, lorsque Morsi est arrivé au pouvoir. Pour ces deux raisons, Morsi a fait des mauvais calculs au mauvais moment.
La déclaration de Morsi peut être interprétée seulement d'une façon qui démontre les racines d'une nouvelle dictature. Il n'y a aucune possibilité pour que ces décisions devraient être traitées comme des éléments distincts ; plutôt, il s'agit d'un ensemble complet. Un président qui rend l'autorité judiciaire inférieure à la sienne et prend ses décisions à l'abri de toutes les formes de pétition ne peut pas avoir notre confiance pour protéger les droits individuels et pour respecter les exigences d'une révolution démocratique. Bienvenue dans la dictature post-révolutionnaire égyptienne.
Ziad Akl
Ziad Akl est un sociologue politique et un spécialiste du Moyen-Orient au "Centre Ahram pour les études politiques et stratégiques." Il est chercheur senior à l'"Unité égyptienne d'études" et rédacteur en chef de la revue "Egyptian Affairs."
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Article reproduit avec l'autorisation du Daily New Egypt

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