mardi 27 novembre 2012

État et financement de manifestations religieuses


(En 1905, lors des débats à l'Assemblée Nationale à propos de la séparation de l'Église et de l'État, le député Paul Lerolle exprima son opinion. Ce qui suit est un court extrait de son discours.)
« Pourquoi l'État, qui trouve dans un budget toujours grossissant les sommes nécessaires pour subvenir à toutes sortes de dépenses, même aux subventions des théâtres – dont ne jouit qu'un petit nombre – pourquoi l'État (…) ne trouve-t-il pas de quoi fournir le moindre subside aux cultes ? »
« Pourquoi l'État ferait-il aux âmes croyantes cette injure de leur dire qu'ayant le souci de tout ce qui est humain, il veut ignorer ce qui leur paraît, à elles, l'intérêt supérieur de leur vie ? »
« Je crois que cela n'est dans le droit d'aucun État, surtout démocratique. D'ailleurs, cette prétendue indifférence des choses religieuses, cette ignorance absolue qu'on voudrait ériger en principe, en réalité est-elle possible ? »


« Oh ! Je sais bien que lorsqu'on parle en doctrine pure, quand on reste dans le domaine des théories, il est facile de séparer le domaine public et le domaine privé, d'élever des barrières infranchissables entre le spirituel et le temporel. Permettez-moi de vous dire cependant – et l'expérience le prouve – que si l'on descend dans les réalités, ces distinctions sont subtiles et les différences s'atténuent. »
« Si le spirituel et le temporel agissent et doivent agir dans des sphères différentes, ils opèrent pourtant sur un même sujet qui est l'homme ; il y a entre eux des contacts nécessaires, inévitables. »
« Vous dites que la religion sera exclusivement du domaine privé. C'est méconnaitre à la fois la nature de l'homme et l'essence de la religion. La religion n'a pas seulement sa source dans le cœur de l'homme individuel ; elle répond aux besoins de l'homme tout entier, tel qu'il est constitué par la nature : de l'homme individuel, de l'homme familial, de l'homme social. »
« Lorsqu'une pensée profonde de religion a pénétré un homme, elle domine dorénavant et dirige toute sa vie ; elle l'oblige à des manifestations d'une multitude, peut-être de la majorité d'un pays. Je défie l'État de les ignorer ou d'y rester indifférent. »
« Il faut alors nécessairement, entre ces deux pouvoirs qui tiennent l'homme par une double autorité, entre l'Église et l'État, une entente qui prévienne ces heurts, ces conflits, qui règle d'avance la façon dont ils pourraient être apaisés ; sinon, vous aboutirez au conflit perpétuel, à la guerre nécessaire et pour le mal de tous, car si l'Église arrive à absorber l'État, c'est une théocratie dont personne ne voudrait et si l'État absorbe l'État, c'est l'oppression détestable des consciences. »
(Dit autrement, le député Paul Lerolle aurait aimé qu'un État qui finance la culture – et on peut rajouter de nos jours : les sports – ne se sente pas indifférent à ce qui touche de près l'âme d'un nombre important de ses citoyens. Personnellement, voilà une opinion que je partage : peu importe si je suis croyant ou pas et peu importe les religions. Une messe peut – aussi – avoir la même importance qu'un match de football. Pourtant, l'histoire en a décidé autremment.)

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