vendredi 1 février 2013

Tenue vestimentaire à Gaza (2)


(Suite à la décision d'inciter les étudiantes de l'Université Al-Aqsa à Gaza de porter des vêtements plus stricts, le journaliste palestinien Daoud Kuttab a publié l'article qui suit.)
Comme si le peuple palestinien n'a pas assez de problèmes avec l'occupation et les divisions dans le domaine politique, il existe depuis quelques jours une nouvelle polémique ; cette fois-ci, il s'agit d'un problème social.
Le problème a commencé dimanche dernier, le 27 janvier, lorsque le conseil d'administration de l'Université Al-Aqsa a voté à l'unanimité l'imposition d'un « code vestimentaire » pour les étudiantes. Selon les nouvelles lignes directrices, en plus du voile sur la tête (hijab), toutes les élèves doivent porter le jilbab – la longue veste lâche qui s'étend aux pieds et qui permet de ne montre aucune des formes du corps de la femme. Bien que cela semble être une décision contraignante, la direction de l'université a déclaré qu'aucune sanction ne sera donnée aux élèves qui refusent de se conformer à l'ordre vestimentaire, mais que des tentatives pour changer le comportement de ces élèves « seront appliquées par la persuasion plutôt que la punition. »
Des réactions négatives et colériques ont été formulées par des responsables palestiniens à Ramallah, le service culturel de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le gouvernement palestinien, en particulier le ministre de l'Enseignement supérieur Ali Jirbawi. Dans un message ferme au président de l'université, Salam al-Agha, Jirbawi lui a rappelé que l'université est accrédité par l'Autorité nationale palestinienne et que la Loi fondamentale palestinienne garantit « les libertés individuelles » à tous les Palestiniens.


Les médias palestiniens de la ville de Ramallah ont également participé aux critiques en citant un étudiant de troisième année nommé Tahrir. Selon Tahrir, si elle avait voulu respecter le code vestimentaire islamique, elle serait allée à l'Université islamique qui est plus conservatrice que l'université Al-Aqsa.
La situation à Gaza révèle en fait ce que beaucoup appellent l'islamisation ou la « Hamas-isation » des institutions palestiniennes dans la bande de Gaza. Alors que l'Université islamique a toujours été étroitement liée avec le mouvement islamiste, l'Université Al-Aqsa est réputée pour être moins islamique et plus proche de la ligne politique nationaliste de l'OLP. Lorsque les dirigeants politiques palestiniens du Fatah ont perdu le contrôle de la bande de Gaza, le président de l'université – à cette époque – Ali Zeidan a été parmi les dirigeants pro-Fatah qui ont quitté la bande de Gaza pour rejoindre la ville de Ramallah. Ali Zeidan est maintenant ministre des Transports dans le gouvernement de Salam Fayyad sous l'autorité du président Mahmoud Abbas. Agha, qui fut nommé par le Hamas afin de remplacer Zeidan, a comme responsabilité de poursuivre ce processus d'islamisation. Il est évident que ce processus fait partie d'une campagne initié par le Ministère Al Awqaf (Ministère des Affaires religieuses) du gouvernement du Hamas.
Pour sa part, l'OLP a également fait entendre sa voix contre la tentative d'introduction du code vestimentaire conservateur.
Le Département de la Culture et de l'Information de l'OLP, dirigée par Hanan Ashrawi, a critiqué la décision de l'université comme étant de type taliban. Le communiqué indique que la décision viole les droits de l'homme et les enseignements islamiques.
L'OLP a déclaré que la décision est également contraire à la mission de l'université, qui a été fondée pour développer la société, et a condamné les violences verbales et physiques auxquelles seraient confrontées les filles pour ne pas adhérer au code vestimentaire.
Il est difficile de discerner si l'apparition de ce problème lié au domaine social est lié à aux tentatives actuelles pour réconcilier l'OLP (laïque) et le Hamas (religieux). Selon certains commentateurs, une fois qu'un tel rapprochement sera effectué et qu'il sera suivi par des élections palestiniennes, le pouvoir social des islamistes s'affaiblira. Pour lutter contre cette éventualité, les islamistes de Gaza tenteraient à l'heure actuelle de créer une situation sur le terrain dans laquelle les mœurs culturels islamiques ne pourraient pas être inversés dans l'avenir.
Selon d'autres commentateurs, la pression exercée sur le conseil d'administration de l'université reflète une fracture au sein du Hamas, qui craint de perdre le pouvoir si les efforts de réconciliation vont de l'avant . Selon cette école de pensée, la décision du code vestimentaire serait une tentative de faire échouer les pourparlers de réconciliation en créant un problème d'ordre secondaire qui provoquerait à coup sûr une réponse énergique des cercles moins religieux dans la bande de Gaza et à Ramallah qui est dominé par l'OLP.
Quelle que soit la raison, cette controverse s'ajoute à un nombre toujours croissant de problèmes auxquels les dirigeants du Hamas et l'OLP devront affronter lorsqu'ils décideront d'entrer sérieusement dans la phase de mise en œuvre du processus de réconciliation.
Daoud Kuttab.
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Daoud Kuttab est jouranliste palestinien et un ancien professeur de journalisme de l'Université de Princeton. Il est actuellement le directeur général de Commuty Media Network, un organisme sans but lucratif voué à la promotion des médias indépendants dans le Monde arabe.

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