lundi 4 février 2013

Les Palestiniens déplorent leur Printemps arabe perdu (2)


(Ceci est la deuxième partie d'un article consacré au Printemps palestinien. Pour lire la première partie, cliquez ici.)
Un Printemps ambiguë
Si les révolutions arabes peuvent être comparées à la propagation d'une contagion à travers le Moyen-Orient qui garantissent les libertés économiques et politiques, les initiatives des jeunes, tels que ceux dans lesquels Mahmoud et Aba ont pris part, sont-elles une expression parallèle du Printemps arabe, ou doit-on dire que la situation en Palestine est plus nuancée et qu'il ne s'agit pas simplement d'une révolution et d'une lutte contre l'injustice ?
Le jeune militant Ahmed Balousha, 24 ans, estime que la raison de l'échec du Printemps arabe en Cisjordanie et à Gaza était l'objectif déclaré de mettre fin à la division entre Palestiniens. Selon Ahmed : « Ce que nous voulions vraiment était de faire des bannières sur lesquelles aurait été écrit :"À bas les régimes de la Cisjordanie et de la bande de Gaza", et "Les deux gouvernements [à Gaza et en Cisjordanie] se disputent seulement afin d'atteindre leurs propres intérêts" et "Répression des libertés". Pourtant, nous nous avons décidé d'exiger sur les banderoles seulement que le système politique soit réformé plutôt que renversé ; de cette façon, personne ne pouvait nous accuser d'avoir propager des sentiments qui reflètent les objectifs de l'occupation [israélienne]. Lorsque je regarde en arrière, je pense que nous nous sommes menti à nous-mêmes en disant que nous représentions le Printemps arabe, alors qu'en réalité nous n'avons pas réussi à réaliser des actions réellement significative. »
Selon Aba, les manifestations du Printemps arabe exigeaient des changements radicaux et l'éviction de régimes corrompus, alors que les demandes des manifestations en Cisjordanie et à Gaza se penchaient vers la « réforme » plus que le « changement ». Aba remarque que les manifestants à Gaza et Cisjordanie essayaient de plaire à tout le monde et d'unir les deux gouvernements corrompus, qui avaient perdu leur légitimité, et que cela était la principale différence entre les soulèvements arabes et ceux de la Cisjordanie et de Gaza.
Défendant le Hamas contre ces affirmations, le député Yahya Moussa estime que chaque peuple dans les différents pays arabes exigeait la fin de l'autoritarisme afin que chaque peuple puisse se gouverner. Ainsi, selon le député, les révolutions étaient économiquement et socialement réformatrice, et ont modifié la façon dont la volonté nationale devait être exprimée.
Cependant, selon lui, « en Palestine, où il n'y a pas d'État, mais plutôt une occupation, nos objectifs se sont concentrés sur la libération des territoires et le droit au retour des réfugiés. Il est difficile de parler de la logique du Printemps arabe tandis que nous sommes sous l'occupation. Autant en Cisjordanie que dans la bande de Gaza, il existe une autorité impuissante avec ses mains liées. Si nous devions blâmer l'autorité que nous avons établie sous l'occupation, cela n'arrangerait en rien la situation car cela ne forcerait pas la force d'occupation à partir. Si les masses n'ont pas renversé l'autorité israélienne occupante, l'alternative est alors l'occupation directe. Cela serait comme si nous faisions le travail de l'ennemi ; par conséquences, notre Printemps est plus ambigu. »
L'écrivain politique Abu Seif croit qu'il est erroné de chercher constamment des parallèles palestiniens au Printemps arabe, principalement parce que la réalité sociale, culturelle et politique de la Palestine est très différente de celles des autres pays arabes. Il est difficile de rechercher les semences du Printemps dans l'histoire palestinienne, car cela aboutit à ignorer la vraie nature des choses. Si le Printemps arabe lui-même signifie la recherche de l'égalité, alors il ne peut pas être réduit à un seul moment historique, car la lutte des Palestiniens pour la obtenir leur liberté, leurs droits nationaux et civils est enracinée dans les terres confisquées par l'occupation.


Le Printemps palestinien a-t-il échoué ?
Dans une interview avec Al-Monitor, le juriste Mustafa Ibrahim, qui travaille comme chercheur à la Commission indépendante des droits de l'homme et suit de près le « Mouvement des jeunes du 15 mars » [mouvement des jeunes révolutionnaires], dit que le principal problème était la source d'inspiration que les révolutions arabes ont transmise aux jeunes de Gaza et de Cisjordanie. Les jeunes ont tenté de recréer ce phénomène dans leur pays. Cependant, s'ils avaient regardé l'histoire du mouvement des jeunes dans les pays arabes ces dernières années, ils auraient constaté que ces jeunes sont descendus dans les rues avant l'apparition des révolutions arabes.
Par exemple, pendant le mois de janvier 2010, il y eut le mouvement « Réveil » chez les jeunes gens de Gaza, qui marchaient dans les rues en portant une grande boîte symbolisant une urne ; ces jeunes revendiquaient le droit de voter et de choisir leur gouvernement et leur président. « Réveil » faisait partie du « Mouvement des jeunes du 15 mars », qui avait très bien réussi à influencer la rue à la fois en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Ce mouvement avait mis dans l'embarras les deux gouvernements dans la mesure où, après la signature de l'accord de réconciliation le 5 novembre 2011 entre le Hamas et le Fatah, Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas, et le président Mahmoud Abbas avaient déclaré que ce mouvement de jeunesse fut l'un des facteurs qui les avaient poussé vers la réconciliation.
Mustafa croit que l'escalade progressive du mouvement de jeunesse fut une initiative novatrice, mais il a fini rapidement en raison des intenses mesures répressives, qui comprenaient coups, arrestations et inculpations, à la fois dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. En outre, certains groupes de essayèrent d'introduire leurs membres au sein des mouvements de jeunesse indépendantes de manière à favoriser leurs propres intérêts personnels ; de plus, certains jeunes avaient des ambitions personnelles qui ne favorisaient pas toujours le mouvement des jeunes.
Dans une interview avec Al-Monitor, Ihab al-Ghussein, le chef du bureau du gouvernement des médias dans le gouvernement dirigé par le Hamas de Gaza, et qui, au moment de l'entrevue était le porte-parole du ministère de l'Intérieur, a déclaré qu'« il est difficile de savoir si le mouvement était descendu dans les rues pour le simple plaisir de descendre dans la rue, ou s'il avait vraiment l'intention de mettre fin à la division. Si leur objectif était de vraiment mettre fin à la division, alors le fait que le Premier ministre à Gaza a invité le 25 mars 2011 le président Mahmoud Abbas à se rendre à Gaza pour la première fois doit être considéré comme un grand pas en avant dans les yeux des mouvements de jeunesse. Si c'est le cas, pourquoi continuer avec la rhétorique qui rejette toutes les parties ?»
Selon Ghussein, certains groupes ont interféré de manière à atteindre des objectifs politiques précis et n'ont jamais vraiment cherché à terme à mettre fin à la division comme ils le prétendent dans leurs chants. Ghussein admet cependant que la répression par le gouvernement de ces jeunes a été une erreur, soulignant qu'il avait déjà rejeté les justifications du gouvernement à cette époque et que selon lui, le gouvernement devrait reconnaître cette erreur, même si la suppression ne fut pas le résultat d'une décision politique.
Aba estime que le principal problème du « Mouvement des jeunes du 15 mars » était qu'il était confinée à la Cisjordanie et à Gaza, comme si le peuple palestinien était limité à ces deux territoires, soulignant que la majorité des Palestiniens (en Israël et dans la diaspora) a ignoré le mouvement. En outre, certaines factions étaient en mesure de dicter à la direction du mouvement la marche à suivre et ont agit en conformité avec leurs propres agendas. Aba ajoute avec amertume : « Les factions ont réussi à détourner l'élan de notre résistance en raison du manque d'expérience politique des jeunes de ma génération et de notre crainte à l'éclatement en factions comme le reste des Palestiniens. »
À la fin de notre entretien, Mahmoud a reçu un appel qui l'a informé qu'il avait obtenu un visa pour la Pologne. Rayonnant, il nous dit : « Finalement, je vais demander l'asile. » Mais la confusion bientôt balaya son visage et il nous demanda : « Mais la Pologne est-elle considérée comme un pays européen ? Est-il possible d'aller en Belgique si je ne l'aime pas ! »
Asmaa al-Ghoul est journaliste et écrivain ; elle réside dans le camp de réfugiés de Rafah, basé à Gaza.

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