mercredi 20 février 2013

Une laïcité ouverte (4)


(Ceci est la troisième partie d'une série d'articles à propos du concept de laïcité ouverte. Afin de lire la troisième partie, cliquez ici.)
Intégrer plutôt qu'assimiler
Parvenu à ce stade de notre réflexion, nous pouvons d'une façon légitime poser la question suivante : « Pour quelle raison devons-nous prêter une oreille attentive aux demandes d'accommodements raisonnables ? » Dit autrement, nous pouvons réfléchir sur les raisons pour lesquels notre société ne devrait pas être prise et acceptée comme elle est, sans que nous soyons obligés de changer.
La raison qui nous demande d'essayer d'accéder aux demandes d'accommodements raisonnables et le respect que nous devons afficher envers tous les citoyens de notre société, peu importe leurs origines, leurs croyances, la couleur de leur peau...
Le respect mutuel est la base d'une vie sociétale dans laquelle la paix doit régner. Ici, il n'est pas question du droit de la majorité face aux minorités (ce qui est le cas, par exemple, lors d'élections), mais plutôt de l'attention que les droits de l'homme, la liberté de conscience... exigent de nous tous.
Ainsi, c'est selon une approche marquée par le compromis que nous devons aborder les demandes diverses de groupes de personnes. Il existe l'idéal et la réalité. Si tout peut être demandé, tout ne peut certainement pas être accordé. Nous avons indiqué précédemment les quatre critères principaux sur lesquels toutes les demandes doivent être étudiées et – le cas échéant – acceptées (coût raisonnable, pas de bouleversement dans le fonctionnement de l'organisme ou de l'établissement, absence d'atteinte aux droits d'autrui et absence de problèmes liés à la sécurité ou à l'ordre public.)
Nous devons toujours penser à minimiser les risques d'aliéner une personne, de marginaliser un groupe d'individus ou de tenir à l'écart certaines personnes qui composent notre société. S'il existait un seul critère pour juger de la valeur d'une démocratie, ne devrait-il pas être celui-ci : l'attention que nous portons aux minorités ? Notre objectif ne doit pas être de forcer ou d'inciter chaque citoyen à vivre selon la volonté de la majorité. Plutôt, notre fierté doit être celle d'accorder à ceux qui sont différents de cette majorité, le maximum d'attention afin qu'ils puissent développer un sentiment d'appartenance au groupe. En peu de mots : nous devons éviter les rejets catégoriques et non justifiés.
L'héritage chrétien en France
Une des raisons qui est souvent donnée pour justifier le refus d'accommodements raisonnables est la suivante : « Notre société a fonctionne de la sorte depuis des siècles, pourquoi devrions-nous changer autant de choses pour certaines personnes ? »
Pour répondre à cette question, nous devons faire référence au concept de « catho-laïcité. » Selon ce concept, la laïcité en France en est une qui prend ses racines dans le passé chrétien de ce pays et qui – sans que ses habitants s'en aperçoivent toujours – prend garde à ne pas bousculer le quotidien des Chrétiens.
De nombreux exemples peuvent être cités afin d'étayer la justesse de ce concept. Nous en citons seulement quelques uns :

  • Les jours de fêtes importants de la religion chrétienne sont fériés en France ;
  • La religion chrétienne n'impose le port d'aucun signe religieux pour les personnes ;
  • Aucun aliment est interdit dans la religion chrétienne ;
  • La mixité n'est pas proscrite par le Christianisme ;

Dans ce contexte, est-il anormal que des personnes qui appartiennent à d'autres religions éprouvent de la difficulté dans leur quotidien ? Sur quelles bases pourrions-nous leur refuser le droit de voir ôter ces obstacles ? La diversification religieuse que la France a connu depuis un siècle doit être pris en compte afin de ne pas créer une catégorie de citoyens qui se sentent opprimés et peu respectés dan leurs croyances religieuses.
Le « problème » musulman
Même si notre réflexion concerne la totalité des citoyens français, nous devons admettre que très souvent, les demandes d'accommodements raisonnables sont le fruit de personnes de religion musulmanes. Les plus récents évènements (port du foulard, prières dans les rues, viande halal...) concernent la communauté musulmane.
Ainsi, devons-nous penser que cette communauté possède certaines caractéristiques qui lui sont spécifiques (exigences de la religion, impossibilité d'atteindre un compromis, moindre désir de s'intégrer...) ? Nous ne le pensons pas.
De fait, si l'on compare la communauté musulmane – ses traditions, sa façon de vivre, les spécificités de sa religion – avec la communauté juive, les différences sont suffisamment nombreuses qui expliquent les raisons pour lesquelles ces deux communautés sont mises devant des défis peu semblables.
Les Juifs religieux respectent d'une façon stricte la non-mixité hommes-femmes dans la plupart des aspects de leur vie. Pour la quasi-totalité d'entre eux, cette réalité représente un obstacle infranchissable quant à leur participation à un système public d'éducation. En d'autres termes : si le débat sur le port de symboles religieux dans les écoles concerne avant tout les Musulmans, c'est que les Juifs religieux n'y envoient pas leurs enfants.
Une femme juive religieuse se couvre la tête, comme le font les femmes musulmanes. Cependant, dans le cas de femmes juives, une perruque est acceptable. Ainsi, malgré la loi française qui interdit le port de signes dans les écoles, une femme juive religieuse peut s'y rendre avec sa perruque sans être remarquée.
Les Juifs possèdent des interdictions plus strictes que les Musulmans en ce qui concerne la nourriture. Ainsi, si un Juif religieux peut manger uniquement les aliments qui lui sont permis, il faut ces aliments aient été préparés et cuits dans des récipients qui n'ont accepté précédemment aucun aliment qui lui est interdit. Cela interdit aux Juifs religieux la possibilité de manger dans les cantines des écoles, les restaurants d'entreprise... Ainsi, nous n'entendons jamais parler de demandes spécifiques de la part de Juifs pour les repas qui sont servis dans les écoles... car ils n'y mangent pas.
Enfin, il existe une différence importante : celle du poids démographique. Si les juifs représentent environ 0,1% de la population française, les Musulmans représentent entre 5% et 8%. Il n'est donc pas étonnant que les demandes d'accommodements soient plus nombreuses de la part des Musulmans que celles qui émanent des Juifs.
Ces exemples – et bien d'autres – démontrent que nous ne devons pas penser à une certaine intransigeance de la part des Musulmans de France, ni à une absence de vouloir adopter les valeurs de la République. Plutôt, nous sommes face à une communauté dont le poids démographique est significatif et qui possède ses propres règles religieuse.
À suivre...

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