mardi 5 février 2013

Égypte : un crépuscule sans aube à l'horizon


L'Égypte a toujours été dépeinte dans l'histoire populaire comme une femme d'une éternelle jeunesse, rebelle et gracieuse. Cependant, l'État qui a été fier de son passé mythique est actuellement en ruine à un rythme étonnamment rapide et personne ne semble pouvoir arrêter sa chute.
Les témoins de scènes de chaos en Égypte, au palais présidentiel – vendredi 1er février – pendant lesquelles des émeutiers ont attaqué le symbole de l'État avec une telle férocité, sont sans précédent dans notre histoire. Ces scènes sont le résultat de trois facteurs : la barrière cassée de la peur d'une révolution sans leader, le manque d'un leadership responsable et le manque de stabilité politique à la lumière de l'impasse actuelle.
Dans le passé, j'ai été témoin de plusieurs couvre-feux en vigueur dans la ville du Caire ; alors, la déclaration suffisait à envoyer les gens chez eux. Cela n'est plus le cas. Des personnes ont bravé le couvre-feu dans la région du canal et défient constamment la police au Caire. L’État a perdu son monopole sur l'utilisation de la violence « légitime ».
De nombreux jeunes croient qu'eux aussi ont le droit d'utiliser la violence pour exprimer leur chagrin, leur ressentiment et leur sentiment profond d'injustice. Ces jeunes ont suffisamment de raisons pour être en colère : ils ne peuvent pas faire entendre leur voix au sein d'aucun parti politique. Cependant, les Islamistes au pouvoir s'attendre à ce qu'ils soient disciplinés, simplement au nom du « prestige de l'État ».
Une succession de déclarations inadéquates du parti au pouvoir – les Frères musulmans – n'ont pas aidé à améliorer la situation. Le parti au pouvoir insiste pour appeler ces jeunes gens des « voyous » payés par des groupes organisés et avec un lien possible avec Israël. Cette méthode reflète que le processus de pensée des personnes au pouvoir, mais pas nécessairement les faits sur le terrain. Jusqu'à présent, la Fraternité (les Frères musulmans) n'a pas réussi à lier une seule personne avec un quelconque complot étranger.


Oui, l'Égypte fait face à des voyous, ce qui est un héritage d'un état chronique de pauvreté et d'élites politiques successives qui paient des criminels afin de détruire les campagnes électorales de leurs adversaires. Cependant, il est essentiel de faire la différence entre les voyous payés et les jeunes en colère qui sont légions, les jeunes hommes en colère et les décrocheurs scolaires. Recruter ces jeunes gens ne nécessite pas une organisation lourde ou sophistiquée ; plutôt, de petits groupes d'individus sont suffisants pour produire le chaos avec un savoir minime.
Il est important de préciser que je n'approuve pas ces actions violentes et que personne ne devrait les approuver. Tout acte de violence – peu importe son origine – est inacceptable. Néanmoins, si nous voulons vraiment arrêter ces violences, nous devons en comprendre les racines ainsi que les causes d'une telle scène. Les doigts qui se pointent vers les parties adverses ou en prétendant à un complot israélien sont des moyens bon marché pour marquer des points politiques, mais ils ne résoudront rien.
Je doute que les Frères musulmans auraient qualifié ceux qui ont tenté d'escalader le mur du Palais présidentiel de voyous si Moubarak avait été encore au pouvoir ; de fait, ils seraient probablement les premiers à les décrire comme des « héros de la révolution ». Malheureusement, ce double standard est ce qui a conduit à la crise actuelle. La violence a été un thème récurrent au cours des deux dernières années ; la Fraternité musulmane a fermé les yeux lorsque la violence visait le conseil militaire au pouvoir et à cette époque, n'a jamais utilisé les clichés tels que le « prestige de l'État» pour les dénoncer.
La montée de la colère des jeunes est un nouveau facteur sur la scène politique égyptienne qui était déjà bien obscurcie avant cela .Cette montée a jeté un doute sur le succès potentiel d'un accord politique entre les Frères musulmans au pouvoir et l'opposition. La révolution sans leader que beaucoup considéraient comme une bénédiction pourrait facilement devenir le chaos sans chef que personne ne peut se permettre.
L'Égypte est actuellement un État dysfonctionnel qui progresse lentement vers l'échec absolu. Il fait face à la plus grande épreuve de son histoire contemporaine dans la mesure où ses élites sont en perte de légitimité et perdent peu à peu la capacité de contrôler la population. Le passage de la faiblesse provisoire à un échec complet peut prendre un certain temps, mais dans un pays densément peuplé comme l'Égypte – et avec une population bien fournie en armes qu'elle détient sans permis – un déclin rapide pourrait facilement se produire.
Il est temps pour les islamistes au pouvoir en Égypte et aux forces d'opposition à avaler leur fierté, admettre leurs erreurs et cesser de jouer avec le feu. Si un changement important n'intervient pas rapidement, la lave de l'éruption volcanique en cours brûlera à coup sûr ce qui reste de notre pays.
Nervana Mahmoud
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Article reproduit avec l'autorisation du Daily New Egypt

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