mercredi 6 février 2013

"Et si l'intervention au Mali ouvrait la porte des réformateurs en islam"


(Dans le journal Le Monde daté d'aujourd'hui, Michel Rocard a publié une superbe tribune. Pour une fois, j'applaudis des deux mains l'ancien premier ministre.)
Malgré la prise importante et spectaculaire de Tombouctou, l'événement essentiel de ces derniers jours au Mali n'est pas de nature militaire. Il est fait de deux déclarations. L'une est de Chérif Ousmane Haïdara, prédicateur célèbre et chef charismatique des "Partisans de la Religion" alias Ansar Eddine, légalisée en 1992, forte de près d'un million de membres au Sahel, dont la plupart au Mali, et totalement étrangère à son homonyme du même nom qui, liée à Al-Qaida au maghreb islamique (AQMI), occupe le nord du Mali.
Dans cette déclaration on peut lire "AQMI, Ansar Eddine, Mujao : c'est pareil. Ce sont des bandits et des trafiquants de drogue qui utilisent la religion comme couverture "... et un peu plus loin : " Il va falloir mener une guerre idéologique et dénoncer ceux qui se disent musulmans et qui sèment la mort".
DÉNONCENT L'INTERVENTION FRANÇAISE
L'autre, encore plus explicite, est de l'imam Mahmoud Dicko, Président du Haut Conseil Islamique du Mali. Il s'en prend à quelques autorités musulmanes, dont une du Qatar,qui dénoncent l'intervention française, et déclare tout bonnement :
"Nous ne sommes pas d'accord avec cette interprétation, nous pensons que c'est le contraire. C'est la France qui a volé au secours d'un peuple en détresse, qui avait été abandonné pour tous ces pays musulmans à son propre sort. Nous parler de croisade anti islam, c'est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter en tant que responsables musulmans du Mali".
A ma connaissance ce sont les toutes premières déclarations d'autorités religieuses musulmanes sur ce sujet. C'est en quoi elles sont essentielles.


Et comme elles viennent du Mali, il est fort probable qu'elles inspireront les autorités religieuses des pays – Niger, Nigeria, Sénégal, tous musulmans à plus de 90% - voisins qui ont décidé de soutenir l'intervention française, lorsque celles-ci finiront par être conduites à commenter les décisions de leurs autorités politiques.
Il est décisif en effet, pour que l'intervention française au Mali soit efficace qu'elle reste bien accueillie dans le monde et sur place, et qu'elle reste quasi unanimement soutenue en France. Cela n'est souhaitable et possible que si d'abord elle est bien comprise et bien située parmi les enjeux multiples, complexes et imbriqués qui interfèrent en Afrique. Que s'est-il donc passé ?
RETOUR SUR L'HISTOIRE D'UNE CRISE
En janvier 2013, du fond de son pays en pleine désagrégation, le président par intérim, musulman, d'une population musulmane à 90% appelle la France à l'aide. De quoi s'agit-il ? Depuis bien des mois des activistes appartenant à des populations extérieures, Libye, Tchad, Algérie, Mauritanie peut-être, nomades, touaregs du désert, à l'enracinement national inconnu sans doute aussi, sont arrivés à se grouper, à s'approprier ensemble une part significative des puissants moyens militaires hérités de Khadafi, véhicules et armes, à proclamer ensemble que quiconque n'est pas disciple du prophète doit être abattu et que pour ce faire la conquête d'un État pour en faire une base territoriale d'assaut contre les non-croyants est la première priorité.
Michel Rocard, ancien premier ministre

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