mercredi 6 mars 2013

Stéphane Hessel : quelques précisions


Stéphane Hessel : la déconstruction 

On atteint rarement le statut de « grand homme » avec une seule prouesse. Plutôt, c'est le plus souvent une combinaison de faits, de déclarations, d'idées... qui propulsent un personnage à un niveau extrêmement élevé d'appréciations élogieuses. Stéphane Hessel n'avait pas fait exception : sa vie – telle qu'il l'a souvent présentée – était un mélange savoureux de réalités, mais également d'exagérations et de tromperies. Si j'ai manqué de respect à Stéphane Hessel le jour de sa mort, c'est qu'il avait – selon moi – dépassé maintes fois les limites acceptables que nous devons imposer aux hommes publics.

Co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme ?

Dans ses mémoires publiées en 1997 sous le titre « Danse avec le siècle », Stéphane Hessel écrit à plusieurs reprises qu'il a eu « pour privilège de participer à la rédaction (…) de la charte des droits de l'homme » et qu'il a été « associé à la rédaction » de cette charte. « Participer » et « être associé » signifie avoir contribué d'une façon significative à un événement. C'est certainement en se basant sur ses déclarations que Stéphane Hessel était régulièrement présenté dans les médias comme le « co-rédacteur » de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Pourtant, il en est rien.

C'est Stéphane Hessel qui l'admet lui-même en disant en 2008 que lors de la rédaction de la charte, il « assistai(t) aux séances et écoutai(t) ce qu'on disait, mais (qu'il n'a) pas rédigé la Déclaration. » Ainsi, il n'a jamais été co-rédacteur de ce document, mais témoin de sa rédaction. La différence pourrait sembler peu importante si : 1) les médias n'avaient pas continué à présenter Stéphane Hessel comme co-rédacteur, même après sa mise au point et 2) si monsieur Hessel avait rectifié chaque journaliste qui l'a présenté de la sorte.
Plus surprenant, en 2010, lors de la publication de « Indignez-vous » il écrit qu'il a « participé à la rédaction de cette déclaration. » Pour quelle raison Stéphane Hessel reprend à son compte une présentation trompeuse, flatteuse et mensongère ?

Au cours de sa brève mais intense présence dans les médias, Stéphane Hessel a était presque chaque fois présenté comme le co-rédacteur de la charte. Je ne l'ai pas entendu une seule fois reprendre un journaliste afin de lui signaler son erreur. En même temps, le statut moral de Stéphane Hessel s'élevait chaque fois un peu plus et son image de co-rédacteur lui donnait une dimension particulière dans les débats publics. Pourtant, il aurait été facile de rectifier la vérité et de ne pas se laisser accorder un statut qui n'a jamais existé. (Lire ici l'article de Claude Moisy, ancien PDG de l'AFP.)

Le rôle des Juifs dans l'explication de l'antisémitisme

Afin d'expliquer l'antisémitisme, Stéphane Hessel a dit : « (L'antisémitisme s'explique par le fait que) dans la tradition juive, les Juifs ne sont pas comme les autres. Par exemple, les Juifs n'aiment pas que leurs enfants épousent des non-juifs. C'est une réalité dans le monde juif, depuis toujours. » (On peut écouter la vidéo ici.) Selon Monsieur Hessel, c'est cette volonté de ne pas s'assimiler qui explique l'antisémitisme.

L'indignation qui serait la mienne si j'entendais les premiers arguments que j'ai cité en exemple est la même en entendant monsieur Hessel expliquer les pogroms, la Shoah et le meurtre des Juifs – depuis des millénaires – par le comportement... des Juifs. Pour quelle raison devrais-je donner un blanc-seing à une personne qui manifestement est insultante pour des millions de victimes ?

Que dirions-nous d'une personne qui commenterait un crime odieux et qui tenterait de l'expliquer en mettant en cause... la victime ? Par exemple : pourrait-on admettre une déclaration dans laquelle il serait dit qu'une femme qui aurait été violée serait en partie fautive car elle portait une mini-jupe ? Également, pourrait-on accepter d'entendre que les victimes de Mohammed Merah étaient en partie fautives car elles avaient choisi d'être inscrites dans une école confessionnelle juive ? Ceci est compris par tous : la victime reste la victime et l'accusé doit être responsable de ses actes.

De plus, Stéphane Hessel se trompe (dans la vidéo) en prétendant que les Juifs ne se marient qu'entre eux. De fait, la majorité des Juifs se marient avec des personnes qui ne le sont pas. De plus, lorsque des Juifs sont pratiquants, peut-on s'étonner qu'ils désirent se marier avec d'autres Juifs ? Un Chrétien ou un Musulman qui désire fonder un foyer sur les bases de sa religion peut-il se marier avec une personne qui n'en fait pas partie ?



L'occupation inoffensive des Allemands

En janvier 2011, dans le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, Stéphane Hessel déclara : « L’occupation allemande était, si on la compare par exemple avec l’occupation actuelle de la Palestine par les Israéliens, une occupation relativement inoffensive, abstraction faite d’éléments d’exception comme les incarcérations, les internements et les exécutions, ainsi que le vol d’œuvres d’art. Tout cela était terrible. Mais il s’agissait d’une politique d’occupation qui voulait agir positivement et de ce fait nous rendait à nous, résistants, le travail si difficile. » Les bras nous tombent.

Les erreurs de jugement de Stéphane Hessel sont tellement grossières qu'elles ne peuvent pas être mises sur le compte d'une simple méconnaissance historique. Comparer l'occupation allemande avec la présence militaire israélienne en Cisjordanie défie toute logique. L'occupation allemande fut marquée par une violence inouïe contre ses opposants politiques – c'est-à-dire leur élimination physique – et le meurtre de six millions de Juifs.

Les opposants palestiniens à la politique de l'État d'Israël sont nombreux ; certains sont même élus au Parlement israélien ! Il n'a jamais été question de faire disparaître le peuple palestinien d'Israël et le million de Palestiniens qui vivent en Israël en sont la preuve vivante. De plus, prétendre que l'occupation allemande a été « relativement inoffensive » est une insulte pour les résistants français. Certes, Stéphane Hessel a été pendant trois mois de sa vie résistant en France, mais comment pouvait-il se tromper de la sorte à propos de la nature des nazis ?

D'autre part, il est tout de même bien de ne pas oublier que Jean-Marie Le Pen fut condamné en 2009 par la cour d'appel de Paris pour complicité de contestation de crimes contre l'humanité pour la déclaration suivante : « En France du moins, l'Occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine, même s'il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550.000 kilomètres carrés. » Troublante similitude. Si un discours est honteux dans la bouche de l'un, pour quelle raison ne devrait-il pas l'être dans la bouche de l'autre ?

Le conflit israélo-palestinien

Sans doute, l'opposition que l'on peut formuler contre l'élévation de Stéphane Hessel au statut de « grand sage » qui devrait être admis au Panthéon est la plus forte en ce qui concerne ce qu'il a dit du conflit israélo-palestinien. S'il est évident que des critiques peuvent et doivent être prononcées à l'encontre de l'État d'Israël – comme cela est le cas pour chaque pays – ce sont la distorsion de la vérité et la vision à sens unique du conflit de monsieur Hessel qui sont à condamner.

Dans « Indignez-vous », les oublis, les raccourcis faciles et les contre-vérités abondent à ce sujet. En voici deux exemples :

- Stéphane Hessel trouve en le rapport Goldstone une « source même d'indignation ». De fait, dans ce rapport de septembre 2009, il est écrit que des « actes assimilables à des crimes de guerre et peut-être, dans certaines circonstances, à des crimes contre l'humanité » ont été commis par l'armée israélienne. On comprendrait l'indignation de monsieur Hessel si : 1) elle était également dirigée contre le Hamas qui a été accusé de la même façon dans ce rapport et 2) si le juge Richard Goldstone n'était pas revenu sur sa décision et écrit dans le Washington Post daté du 2 avril 2011 que « même si les informations (fournies) par les autorités israéliennes depuis la date de publication de notre rapport ne réparent pas les pertes humaines, je regrette que notre mission d'enquête n'ait pas disposé de telles informations qui expliquaient les conditions dans lesquelles des civils avait été ciblés à Gaza. Certainement, cela aurait modifié notre conclusion à l'encontre des crimes de guerre. »

Ainsi, Stéphane Hessel s'était indigné contre une seule des parties engagées, mêmes si les deux avaient été accusées des mêmes crimes. De plus, l'ironie est que le juge est revenu sur sa décision en ce qui concerne Israël... et pas le Hamas ! Pourtant, monsieur Hessel ne s'est pas indigné dans ce cas-là. (On peut lire plus d'information à propos du rapport Goldtsone et de la façon dont on lui fait dire son contraire ici.)

- « Je pense bien évidemment que le terrorisme est inacceptable, mais il faut reconnaître que lorsque l'on est occupé avec des moyens militaires infiniment supérieurs aux vôtres, la réaction populaire ne peut pas être que non-violente. (…) On peut expliquer ce geste par l'exaspération des Gazaouis.  (…) Alors, on peut se dire que le terrorisme est une forme d'exaspération.» Lorsque l'horreur est définie comme une forme d'exaspération, on dépasse les limites du respect qu'on est en droit de recevoir de ses semblables. »

Récemment, à la question « Que ferez-vous si vous rencontrez des terroristes » lors de l'opération française au Mali, le président Hollande a répondu sans le moindre doute : « Nous les tuerons. » Voilà au moins une attitude sans équivoque à l'encontre du terrorisme. Il est inadmissible de trouver des explications qui ne nous font pas condamner les terroristes et les horreurs qu'ils commettent. Le terrorisme est immoral, peu importe qui le commet et la cause qu'il est censé défendre. Il ne peut y avoir aucune exception à cette règle.




Apparemment, Monsieur Hessel n'avait pas été suffisamment indigné par le terrorisme organisé par le Hamas pour aller serrer la main d'Ismaël Haniyeh. Pourtant, ce triste personnage ne reconnaît pas le droit des Juifs de vivre en Israël et la charte de son organisation met en première ligne l'obligation de tuer tous les Juifs. Quelle indignation sélective de la part du vieil homme décédé ! Serait-il resté silencieux si la loi de l'État hébreu proclamait qu'il faut tuer les Palestiniens ?

Stéphane Hessel : Juif ou pas ?

Dans son livre « Citoyen sans frontières », Stéphane Hessel l'a dit sans détour : « Je ne me considère pas comme Juif. » Pourtant, c'est régulièrement qu'il rappelait ses origines juives et il avait même déclaré qu'il était « à moitié juif. » Certes, ses arrière-grands-parents paternels étaient Juifs ; cependant, trois générations plus tard, on comprend les raisons pour lesquelles un individu ne se sentirait pas Juif.
Ainsi, pour quelle raison monsieur Hessel s'estimait-il obligé de voiler – une fois de plus – la simple vérité ? À chaque rappel de ses « origines juives », il devait certainement vouloir s'affranchir d'accusation d'antisémitisme. De fait, cette attitude est habituelle chez les antisémites qui rétorquent : « Comment pouvez-vous m'accuser d'antisémitisme : mon meilleur ami est Juif ! »

Cette attitude de Stéphane Hessel à propos de sa prétendue judaïté est à l'image de son discours public : toujours fuyant, tordant le cou à la vérité, insultant pour les Juifs... J'admets sans peine que mon jugement à l'encontre de ce monsieur est sévère. J'en ai expliqué les raisons dans cet article.

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