vendredi 23 novembre 2012

Le bien-vivre ensemble


Commentaire d'Annie Stasse, suite à la parution d'un article : « Je suis une vieille bonne femme féministe depuis les années 50 ou 60 dans ma tête, 70 quand ce fut l'occasion de la clamer plus fort. Le voile (pour les femmes musulmanes) a ce rappel pour moi. Une enfermement de la femme. Donc, vous avez compris, j'ai du mal à supporter. »
« Je voyage depuis l'âge de 4 ans. J'ai fait connaissance avec le Maghreb années 60. Puis j'ai pris connaissance à l'occasion de l'intervention de l'URSS en 79/80 de la condition des femmes en Afghanistan… avec horreur. Quand je vois des voisins avec barbes et "robes" ça me dérange. Les femmes sont en noir totalement recouvertes. J'ai du mal à les regarder. »
« J'ai eu à porter une croix. Je la cachais sous un pull ou corsage. Bien qu'à l'époque le catholicisme était majoritaire. J'ai du mal aussi à comprendre les gens qui mettent leurs gosses dans des écoles non laïques, qu'ils soient catho ou juifs…… Ils se mettent à l'écart des autres. Alors maintenant vous avez quoi à me reprocher ? Au fait je suis athée depuis un bail. »
Annie, en quelques mots, vous avez fait l'inventaire non exhaustif des situations dans lesquelles les différences entre une personne athée et une personne croyante sont flagrantes. Au-delà de cet aspect de notre vie – laïcité-religion – la liste est longue des différences que nous rencontrons dans notre quotidien. Cela commence chez nous, lorsque notre conjoint nous oppose un « non » inattendu. Cela continue avec nos enfants qui sont très ingénieux à faire l'exact opposé de ce que leur demandons. Au travail, ce sont nos collègues qui ne sont pas toujours conciliants, sans parler de notre patron. Dois-je rajouter notre banquier, le guichetier à la poste, notre voisin ? D'autre part, le plus puissant de nos opposants n'est-il pas notre propre ego ? Combien de fois nous sentons-nous pas assez intelligent, trop timoré, pas assez cultivé... ?
L'unicité n'est pas de ce monde. Avec notre première respiration, nous avons amené la séparation, le noir et le blanc, la vérité et le mensonge... En naissant, nous entrons dans un monde d'oppositions. Avec la mort, nous entrons de nouveau dans celui du « un », de l'absence totale du contraire. Entre les deux, nous restons quelques années sur terre. Il nous revient de faire de ce passage un moment de joie ou d'énervement.
Ainsi, votre statut de personne athée n'est certainement pas un obstacle au bien-vivre de croyants dans votre environnement ; l'inverse est également vrai. Dans les deux cas, vous êtes une facette unique de ce monde et vous tenez le rôle que vous êtes libre de choisir. L'Autre joue également un rôle : celui qu'il a choisi. Peut-on logiquement s'attendre que ces deux rôles soient en tous points semblables ?


Si vous avez décidé de vivre sans religion, les personnes croyantes doivent-elles vous le reprocher ? Certainement pas ! De même, un non-croyant de devrait pas juger d'une façon négative ceux et celles qui croient. À chacun à sa vie, à chacun son chemin. N'est-ce pas cela qui forme une société pleine de vigueur : la diversité de ses membres ?
Je n'ai pas de mal à regarder une femme entièrement voilée. Je n'en ai pas non plus à regarder une autre à peine vêtue. Chacune à choisit sa voie et je ne me donne aucune – vraiment aucune – raison d'en juger plus favorablement une par rapport à l'autre. Suis-je le juge de l'humanité ?
Ma vie, mes choix et mes préférences ne concernent que moi. La frontière doit être imperméable à toute forme de jugement à l'égard de l'Autre. Nous avons déjà des milliers de lois (dans le Code civil) et principes généraux (Déclaration universelle des droits de l'homme, de la tolérance de l'UNESCO...) qui nous gouvernent. N'est-ce pas suffisant ? Aussi longtemps que l'Autre ne me force pas à le suivre, pour quelle raison devrais-je juger que ma façon de vivre est plus : intelligente, tolérante, ouverte... ?
Si j'ai du mal à regarder quelques chose, c'est plutôt à la violence conjugale que je pense ; également, la violence faite aux enfants m'est insupportable. Nos hommes et femmes politiques – dans leur immense majorité – me sont aussi plus difficiles à regarder qu'une femme voilée. Leurs mensonges à notre égard, leur mesquinerie et leur orgueil me sont pénibles. Qu'une femme décide de se voiler fait partie de notre privilège de démocrates. Désirons-nous changer de système et vivre dans une société plus restrictive ? Pas moi. en tout cas.
Si des catholiques ou des juifs préfèrent mettre leurs enfants dans des écoles religieuses, je ne trouve pas cela différent de ceux qui les mettent dans les écoles laïques de la République. Dans les deux cas, les parents font le choix qu'ils pensent être le meilleur. Avons-nous l'obligation de vivre tous ensemble, de penser la même chose ?
Si une personne vous reproche d'être athée, elle n'a rien compris à la vie en société. Faisons attention à ne rien reprocher aux croyants : pour le coup, c'est nous qui n'aurions rien compris. La France ne m'appartiens pas, elle n'est pas ma chasse gardée. C'est parce que nous aimons l'être humain que nous pouvons bien vivre ensemble.

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