lundi 19 novembre 2012

Avec qui les Frères Musulmans s'alignent-ils ?


Avec qui les Frères Musulmans s'alignent-ils: les Salafistes ou les forces démocratiques ? 
Par Farid Zahran
C'est un fait bien connu que l'Assemblée Constituante [le Parlement égyptien] doit finaliser la Constitution avant le 12 décembre. Malgré cela, il semble que les différents partis politiques insistent désormais sur leurs positions respectives, plus que jamais auparavant. Les désaccords existent principalement entre trois partis : les Salafistes, derrière lequel les Djihadistes et les Takfiris se ont alignés, les Frères Musulmans qui attirent le soutien de quelques salafistes, et les forces démocratiques dont les rangs sont composés de libéraux, Nassériens, de gens de gauche et de sociaux-démocrates.
Ces désaccords se situent généralement sur trois points litigieux : 1) le système de gouvernance, 2) les droits socio-économiques, 3) l'identité de l'État.
Sur le premier point de discorde, les dissensions s'articulent principalement autour des compétences respectives des forces armées et du président, ainsi qu'à propose de l'indépendance de la magistrature. En ce qui concerne les droits économiques et sociaux, les textes pertinents sont déséquilibrés et peu clairs dans la mesure où certains de ces droits sont clairement stipulés tandis que d'autres sont décrits d'une manière vague. Enfin, le troisième point de discorde concerne le droit pour un organisme composé des principaux érudits religieux et dirigeants d'Al-Azhar à interpréter la Shari'a.
Il existe également d'autres désaccords qui concernent une nouvelle interprétation du deuxième article de la Constitution, qui affirme que les principes de la Shari'a islamique se trouvent au sein des quatre Écoles Sunnites de loi. Il existe aussi des désaccords concernant les droits de la femme et les libertés civiles ; de fait, selon les salafistes, l'égalité entre hommes et femmes ne devrait pas être stipulée sauf si elle est suivie d'une condition : un texte clair qui soulignerait que cette égalité ne doit pas violer la loi de Dieu.
Les partisans d'un État fort et hégémonique, insistent pour donner des pouvoirs considérables à l'armée, sans doute parce qu'ils espèrent voir l'armée contrôler d'une certaine façon les Frères Musulmans dans un proche avenir. D'autre part les Frères Musulmans, comme tout porte à croire, tiennent impérativement à ces articles qu'ils considèrent comme partie intégrante de l'accord qui a renversé le maréchal Field Marshal Tantawi et renvoyé l'armée à l'arrière-plan du paysage politique.
En ce qui concerne les pouvoirs du Président - en particulier son droit de nommer le Premier ministre sans majorité au Parlement ou dans le cas de la dissolution du Parlement - il est évident que les Frères Musulmans sont prêts à faire marche arrière alors qu'ils détiennent la présidence, mais cela sera bénéfique à tous les autres partis politique qui pourront éventuellement occuper ce poste à l'avenir. Fait remarquable, les salafistes ne semblent pas intéressés par ces questions et n'ont donc pas donné leur avis à propos de toutes les dispositions relatives au système de gouvernance. Plutôt, ils considèrent ce sujet comme peu d'importance qui ne les concerne pas.
À mon avis, les droits socio-économiques ne seront pas une source de désaccord significatif. Les Salafistes ne sont pas intéressés par ce sujet, tandis que les Frères Musulmans sont prêts à accepter n'importe quelle formulation en regard à ces droits – même si elle est radicale – afin de satisfaire les forces sociales-démocrates et de gauche.
En fin de compte, les formulations qui découleront du cadre des principes constitutionnels généraux n'entraîneront pas d'engagements sociaux spécifiques de la part de l'État envers ses citoyens. Ainsi, je pense que les différentes forces politiques parviendront à un accord sur les dispositions relatives aux droits socio-économiques.
À mon avis, les dispositions relatives aux libertés et à l'identité de l'État sont les principaux obstacles à la conclusion d'un accord. Je crois que plus la date limite pour l'Assemblée Constituante deviendra proche, plus les partis devront choisir entre deux choix fondamentaux :
1. Les différents partis politiques parviendront à un accord et entreront dans une période de stabilité équilibrée dans laquelle une constitution codifie et gère les conflits politiques.
2. Les principaux partis politiques se diviseront à propos de la Constitution, ce qui mènera inévitablement à la naissance d'une Constitution reconnue par certains citoyens, tandis que rejetée par d'autres. Le danger est que tous ceux qui rejetteront la Constitution s'uniront pour former un seul mouvement plutôt que de rester isolés et des fragments individuels de différents mouvements. En pratique, cela signifie que notre société pourrait atteindre un niveau de polarisation qui, si elle se poursuivait, pourrait conduire à encore plus de divisions.
Tous les partis politiques principaux, les islamistes, les membres du PND (Parti National démocratique, de l'ancien dirigeant Hosni Mubarak) et les forces démocratiques ont utilisé toutes leurs forces afin d'obtenir la meilleure Constitution de leurs points de vue respectifs. Cependant, tous les membres rationnels de ces trois groupes sont conscients du fait que toute négociation doit prendre fin et que cette fin est imminente, non seulement parce que le temps alloué à l'Assemblée Constituante touche à sa fin, mais aussi parce que le public commence à perdre patience.
Il existe une pression considérable de la part de la population qui exige que les élites mettent fin à leur querelle et parviennent à un accord qui garantit au pays un minimum de stabilité.
Certains critiques des Frères Musulmans pensent que ce groupe n'est pas intéressé à la rédaction d'une Constitution ou l'organisation de nouvelles élections parlementaires en se fondant sur le principe que ce groupe ne croit pas en la démocratie ou en le concept du « transfert du pouvoir. »  Personnellement, je m'abstiens de lire dans les intentions des Frères Musulmans et de savoir si oui ou non les Frères Musulmans croient en la démocratie. Je peux simplement dire que les Frères Musulmans sont obligés de terminer un projet de Constitution et d'organiser des élections législatives parce que le Front Monétaire International (FMI) a prévu que c'est le Parlement égyptien qui doit donner son accord au prêt qui doit être accordé à l'Égypte.
De plus, un certain nombre de gouvernements et d'organismes à l'étranger attendent aussi la création d'un régime démocratique stable avant d'envoyer une aide économique à l'Égypte. Dans la mesure où les Frères Musulmans assument la responsabilité de diriger le pays, ils sont conscients du fait que cette assistance est nécessaire, non pour parvenir à la prospérité ou améliorer la performance économique égyptienne, mais plutôt afin de prévenir l'appauvrissement accru et la décadence économique du pays.
Ainsi, nous sommes confrontés dans ce cas aussi à deux choix : l'entente ou de la division. Chaque parti politique a démontré le pouvoir qui est réellement le sien et négocié par tous les moyens. Ceux qui sont rationnels et conscients du jeu politique vont essayer d'amener les négociations à leur inévitable et douloureux dénouement : offrir des concessions mutuelles et parvenir à ce qui est le minimum acceptable pour les différentes partis politiques.
Cependant, il est utile de rappeler ici que ceux qui sont rationnels dans l'arène politique sont rares, en raison de l'absence d'expérience de la plupart des dirigeants politiques - en particulier dans les rangs des Frères Musulmans et des Salafistes. Ainsi, nous devons comprendre que les Frères Musulmans, qui en dernière analyse sont plus fiables que les Salafistes, font face à deux choix : soit s'aligner avec les forces démocratiques pour construire le cadre d'un accord qui pourra attirer certains Salafistes et en repousser d'autres, ou tenter de s'aligner avec les Salafistes et exclure toutes les forces démocratiques du cadre de l'accord.
Personne ne peut prédire avec précision ce que feront les Frères Musulmans. Cependant, peut-être, nous serons en mesure de revenir sur ce sujet à une autre occasion - dans quelques jours - et offrir alors une réponse à la question du titre de cet article : « Avec qui les Frères Musulmans s'alignent-ils: les Salafistes ou les forces démocratiques ? »

Farid Zahran est membre du PSDE (Parti Social Démocratique Égyptien)

Article reproduit avec l'autorisation du "Daily New Egypt"

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