mercredi 30 janvier 2013

Les Palestiniens déplorent leur Printemps arabe perdu (1)


« Est-il plus facile d'obtenir un visa pour la Belgique ou pour la Suède? Comment puis-je demander l'asile? Dois-je déchirer mon passeport ou le cacher? Est-ce que l'examen l'iris se déroulera dans le premier pays dans lequel j'arrive ou le pays dans lequel je vais demander l'asile ? » Ces questions, parmi d'autres, sont celles qui occupent l'esprit de Mahmoud Yahya, 23 ans, ces jours-ci.
Il y a seulement un an, Mahmoud était optimiste pour le changement, et il y a deux ans en 2011, Mahmoud était descendu dans les rues pour effectuer ce changement. Il dit qu'à cette époque, il se sentait comme un géant, capable de tout.
Mahmoud a déclaré à Al-Monitor : « Avec chaque année qui passe, mon désespoir augmente. Lorsque je me rappelle ce que j'étais il y a un an, je me souviens que de mon espoir que notre réalité remplie de haine politique et sociale pourrait changer. Mais quand je regarde comment j'étais au début de 2011, je ne peux pas croire à quel point j'étais convaincu que j'étais Superman ; la situation est la même pour la façon dont j'avais vu tous les autres jeunes gens. Les révolutions arabes nous avait vraiment changés. »
Mahmoud ajoute : « Pour la première fois, nous nous sommes sentions comme si nous avions un interlocuteur à qui nous pouvions parler. Nous sommes sortis dans la rue – le 5 décembre 2010 – et nous avons défié la Sécurité Centrale du gouvernement déchu, sans cligner de l'œil. Nous avons brisé notre peur collective et sommes descendus dans les rues pour protester contre la fermeture du Forum de la Jeunesse Sharek. Nous sommes descendus dans les rues à nouveau en 2011 – lors des révolutions égyptiennes et syriennes – et avons été emprisonnés et battus [par le Hamas], ce qui est également arrivé à nos homologues en Cisjordanie [qui ont été battus par l'Autorité palestinienne]. Enfin, nous avons eu notre propre révolution le 15 mars 2011. Notre chant était : « Les gens veulent mettre fin à la division ! » Ils nous ont battus, nous ont calomniés, brisé nos membres, dénoncé notre réputation et nous ont fait du chantage, qui a abouti à l'assassinat de notre camarade italien Vittorio par des assaillants inconnus. À partir de ce moment-là, la tristesse et la frustration nous ont fait taire à jamais. »


Mahmoud regarde le plafond, les yeux larmoyants : « Nous croyons en notre force, mais nous étions romantiques. Lorsque j'ai vu tous les militants du 15 mars émigrer et quitter la bande de Gaza, j'ai su que nous n'avions pas réussi à faire éclore notre Printemps palestinien ; alors j'ai décidé de voyager et de quitter également Gaza. »
La résistance quotidienne, ceci est notre printemps
Malgré les nombreuses frustrations inhérentes aux résultats des Révolutions arabes, pas tout le monde partage le désespoir de Mahmoud quant à la réalité dans la bande de Gaza et la Cisjordanie. Par exemple, Aba Rizak, 22 ans, dit qu'elle voit le Printemps arabe continuer tous les jours en Palestine. Sa dernière manifestation a été dans les tentes érigées par des jeunes militants dans le village de Bab al-Shams, dans les territoires occupés par Israël au nord de la Palestine. Selon Aba : « Nous descendons dans la rue et continuerons à le faire, que ce soit contre l'occupation [israélienne] ou les gouvernements en Cisjordanie et à Gaza. »
Aba estime que l'oppression nourrit la poursuite du Printemps arabe, parce qu'à la base, le Printemps arabe est basée sur le sacrifice de soi. Elle se souvient de son expérience horrible lorsqu'elle fut détenue au poste de police pour femmes dans la bande de Gaza. Elle se souvient de l'extorsion et du chantage auquel elle et ses amies ont été soumises, ainsi que des tentatives violentes pour les contraindre à signer un engagement en conformité avec la Sharia leur interdisant de participer à des manifestations non autorisées et d'autres activités.
Le politologue Atef Abu Saif est d'accord avec Aba ; selon lui, « Il est certainement prétentieux – mais pourtant vrai – que nous en tant que Palestiniens avons contribué à faire progresser les Arabes en ce qui concerne les libertés, les relations entre gouvernants et gouvernés, ainsi que notre engagement quotidien pour la cause de libération nationale. Notre version du Printemps arabe est la notion très importante de la résistance continue contre la puissance occupante. Ainsi, les Palestiniens ont pris l'habitude de ne pas se taire quand un gouvernement ou une autorité leur confisque et leur supprime leurs libertés. »
Dans une interview à la Bibliothèque du Conseil législatif, Yahya Moussa – un représentant du Hamas au Conseil législatif – nous a déclaré : « Il y a eu une Intifada en 1987 et de nouveau en 2000 ; elle s'exprime maintenant de diverses façons comme résistance et pour la lutte pour nos droits. Si le Printemps arabe est la lutte pour les droits, notre Printemps arabe progresse et continue, et s'exprime de façon permanente. »
Asmaa al-Ghoul est journaliste et écrivain ; elle réside dans le camp de réfugiés de Rafah, basé à Gaza.

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