jeudi 10 janvier 2013

L'Égypte est-elle le prochain Soudan ?


À l'occasion de la célébration de la nouvelle constitution de l'Égypte islamique, le président Morsi s'est présenté devant la nouvelle chambre haute du Parlement – le Conseil de la Shura – afin de prononcer un de ses discours enthousiastes et déconnectés de la réalité dont il a souvent l'habitude. En réponse aux problèmes économiques de l'Égypte et du taux élevé de chômage, surtout chez les jeunes (plus de 30%), il a rappelé aux Égyptiens que « Dieu est celui qui subvient aux besoins de la famille » et parce que les Égyptiens sont de vrais croyants, un jour prochain, ils recevront leur revenu de la part de Dieu.
Le Président Morsi, qui a prononcé son discours devant le Conseil de la Shura le 30 décembre dernier, ne sait apparemment pas que d'autres cultures telles que celles des Japonais, des Coréens et des Chinois connaissent toutes un succès économique en dépit du fait qu'elles ont des systèmes de croyances différentes des siennes. Ces cultures ont été construites sur la valeur du travail, de l'éducation et de la modernisation. Sans doute que Dieu aide ceux qui s'aident eux-mêmes, qu'ils croient en lui ou non.
Le président a fortement minimisé la gravité de la dette égyptienne en disant que celle-ci représente seulement 87% du Produit Intérieur Brut du pays en 2012 ; pourtant, selon la plupart des économistes considèrent ce chiffre catastrophique.
Morsi s'est également accordé le mérite personnel pour l'augmentation du nombre de navires qui ont transité par le Canal de Suez et le nombre de visiteurs en 2012 à la station Sinaï de Sharm El Sheikh. En outre, il a publiquement (et sans vergogne) répété une page écrite par un de ses adversaires politiques, l'ancien candidat à la présidence le général Ahmed Shafik : Morsi a appelé au développement économique des terres à proximité du canal de Suez. Shafik, soit dit en passant, a fuit l'Égypte dans les jours qui ont suivi sa défaite lors des élections en juin 2012.
Le discours du Président Morsi a été dénoncé peu de temps après par les experts et les critiques qui se sont moqué de lui pour s'être accordé le crédit de la circulation des marchandises à travers le canal de Suez et de prendre, sans lui en donner le crédit, une idée de l'agenda de campagne de son adversaire.
Essam El-Erian, conseiller de Morsi et vice-président du Parti de la justice et de la liberté – le parti politique des Frères musulmans – travaille déjà selon la même logique. Il a demandé aux Juifs de revenir en Égypte, de laquelle ils ont été chassés dans les années 1950. De fait, dans une interview télévisée, M. El-Erian a exhorté les Juifs égyptiens vivant en Israël de revenir en Égypte et à contribuer à la reconstruction du pays.
Néanmoins, M. El-Erian a omis de mentionner que dans les années 1940 et début des années 50, les Frères musulmans – actifs depuis 1928 – avaient été responsables de la mort de centaines de Juifs égyptiens ; d'avoir bombarder le quartier juif du Caire ; et, dans un effort pour chasser les Juifs hors d'Égypte, d'avoir poser de nombreuses bombes incendiaires dans les entreprises juives, comme cela fut le cas dans les grands magasins Cicurel et Gatenio situés dans le centre du Caire. En outre, ce sont les Frères musulmans qui envoyèrent des milliers de « fedayin » pour lutter contre les Juifs en 1948 pendant la guerre israélo-arabe.


Il est important de noter que l'invitation d'El-Erian était exclusivement dirigée à l'encontre des Juifs égyptiens vivant en Israël et pas les Juifs vivant en Europe ou aux États-Unis.
Interrogé par ses interlocuteurs, Mr. El-Erian a admis que son invitation n'était qu'une tactique afin d'atteindre à long terme l'objectif des Frères musulmans qui consiste à vider Israël des Juifs pour faire place aux Palestiniens afin qu'ils puissent retourner dans leurs foyers. Il a également prédit la disparition d'Israël dans un avenir très proche.
Pour quelles raisons les Juifs égyptiens reviendraient-ils en Égypte, le pays le plus peuplé du Moyen-Orient où plus de 65% de la population est analphabète, où près de la moitié de la population vit en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté, et dans lequel d'autres minorités font maintenant face à leur élimination ?
La stratégie d'El-Erian consiste-t-elle vraiment à inviter les Juifs à revenir ou plutôt, à inciter les Coptes à quitter l'Égypte, ce qui est un sujet qu'il a soigneusement évité de mentionner ?
Dans son discours, il n'a pas prononcé un seul mot à propos de l'hostilité et de la discrimination à l'encontre de la minorité chrétienne copte égyptienne. Au cours des deux dernières années, après le soulèvement du 25 janvier et l'émergence des Frères musulmans et des salafistes, les attaques contre les chrétiens et les Églises ont fortement augmentées. Plusieurs églises ont été brûlées ; le 9 octobre 2011, des véhicules militaires blindés ont écrasé des manifestants pacifiques coptes, tuant plus de 20 personnes. Serait-il réellement réservé un meilleur sort aux Juifs ?
En réponse à l'invitation de El-Erian, d'autres membres des Frères musulmans ont élaboré leurs propres idées sur la façon de s'occuper des Juifs qui vivent en Israël. Le Sheikh Youssef El-Badri a suggéré qu'au lieu de les inviter en Égypte, pourquoi ne pas mobiliser les djihadistes pour qu'ils tuent les juifs là-bas ?


Il est peu probable que les Juifs égyptiens répondront positivement à l'invitation de El-Erian ; cependant, ils doivent savoir que la nouvelle Constitution a pour but de créer un État islamique en Égypte qui restreint sévèrement les droits des minorités. Son comité de rédaction a été contrôlé par les islamistes extrêmes. Le 22 novembre 2012 le Sheikh Yasser Borhamy, un des principaux membres du comité de rédaction de la Constitution, a déclaré lors de la réunion filmée avec des érudits salafistes et des prédicateurs que la « Constitution impose des restrictions complètes qui n'ont jamais été imposées par une constitution égyptienne » et « impose des restrictions à propos de la liberté de pensée, d'expression et de créativité. »
La vidéo dans laquelle le Sheikh Borhamy apparaît a confirmé que cette Constitution a été créée au profit des Frères musulmans et de la ligne dure islamiste de plusieurs factions afin de créer en Égypte un État islamique.
Borhamy a appelé à la légalisation du mariage avec des enfants : une fille aussi jeune que trois ans peut se marier parce que « c'est ce qu'Allah a dit. »
Le jour où Borhamy a fait ses commentaires au sujet de la Constitution, le Président Morsi s'est accordé pour lui-même des pouvoirs très étendus, y compris le pouvoir de préserver le comité de rédaction de la Constitution.
Dans la même vidéo, Borhamy a également remercié un autre membre du comité de rédaction – l'avocat islamiste Selim al-Awa – pour ses tactiques juridiques qui ont permis aux islamistes de « tromper » les membres chrétiens et libéraux, et rendre la Constitution légale.
Al-Awa a également contribué à écrire la Constitution du Soudan, un document qui ouvert la voie à la Sharia et a permis aux islamistes de la ligne dure au Soudan à rester au pouvoir pendant des décennies. Dans ce pays, la violence contre les chrétiens a commencé dans les années 1980, avec la montée en puissance de Omar Al-Bashir, avant même la violence plus largement connue commise au Darfour, plus récemment. Cette Constitution axée sur la Sharia a rendu la vie impossible aux Chrétiens et Animistes dans ce pays et finalement, en 2011, a conduit à la sécession du Sud-Soudan. Si c'est ce qui s'est arrié au Soudan, pouvez-vous imaginer ce que, dans quelques années, va pouvoir arriver aux Chrétiens d'Égypte?
Mr. Al-Awa a fait une réclamation à la télévision Al-Jazeera en 2010 selon lesquelles les églises et les monastères coptes en Égypte avaient des stocks d'armes pour tuer des musulmans, et a appelé à l'État à les inspecter. Suite à la demande de Mr. Al-Awa, les djihadistes ont attaqué et incendié plusieurs églises.
Il semble que les médias occidentaux ont été dupés par des messages optimistes de la Confrérie musulmans. Le Time Magazine a pensé un moment nommer Morsi son «  Homme de l'année » pour l'année 2012 en raison de son action réussie dans l'élaboration d'un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, une branche de la communauté musulmane Fraternité.
Le Times a ignoré – ou ne savait pas – que le Hamas et les islamistes voir ce cessez-le-feu non comme un traité de paix, mais comme une trêve temporaire ou « hudna » qui permet de gagner du temps pour transférer la connaissance nécessaire à la fabrication de missiles à longue portée de l'Iran pour les combattants islamistes du Hamas.
L'Égypte est maintenant totalement contrôlée par les islamistes et les djihadistes. Les femmes et les chrétiens sont opprimés, les médias et le système judiciaire de l'Égypte sont en état de siège.
Qu'ils le veuillent ou non, les dirigeants occidentaux ont besoin de réfléchir au type de relations qu'ils auront avec les Frères musulmans et le nouvel État islamique en Égypte.
Le régime islamiste en Égypte n'abrogera son traité avec Israël, comme il ne commencera pas une guerre contre l'Occident, du moins pas tout de suite.
De nombreux islamistes, y compris le Sheikh Mohammed Hassan, estiment qu'il est dans l'intérêt de l'Égypte d'attendre un peu avant d'annuler le traité qui lie l'Égypte à Israël. Hassan a parlé pour ces islamistes en 2011, lorsqu'il a dit : « Il n'est pas sage de commencer à parler d'un tel traité et d'inviter d'autres ennemis alors que nous essayons de bâtir un pays. » Pour le court terme, le régime islamique considère le traité signé en 1979 comme une hudna [cessez-le-feu]. En vertu de la règle des Frères musulmans, l'Égypte continuera à recevoir de l'argent de la part des États-Unis et à fournir un soutien au Hamas dans la bande de Gaza, tout comme l'Iran.
Si l'on regarde les vidéos dans lequel apparaît le Président Morsi – aussi récemment qu'en 2010 et 2011 – il est impossible de ne pas comprendre l'ordre du jour jihadiste des Frères musulmans.
Si les dirigeants occidentaux veulent éviter une catastrophe, et soutenir les Égyptiens qui s'opposent aux mauvais traitements des femmes et à la soumission de la minorité chrétienne d'Égypte, ils seraient bien avisés de réagir rapidement. Ce sont eux qui étaient à l'avant-garde de la révolution du 25 janvier. Même s'ils l'ont commencée, ils auront besoin de l'aide occidentale pour arracher le contrôle du nouveau système autocratique mis en place par les Frères musulmans. L'engagement de l'OTAN au Moyen-Orient l'année dernière est une démarche encourageante.
Michael Armanious
----------
Michael Armanious est un militant des droits coptes ; son blog est visible en cliquant ici. Ses articles ont été publiés dans le Boston Herald, PJ media, et The Commentateur. 
-----------
Traduit et reproduit avec l'autorisation du Gatestone Institute.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire